errance #1: édition vieux-port
effluves de fleuve, vieille banque transformée, fantômes de jardins privés
En pleine canicule de juillet, je suis partie de chez moi vêtue seulement d’un romper de style yoga-sport copié des modèles en vente au Aritzia, de mes nouveaux souliers Brooks pour aider l’arthrite dans mes orteils de personne qui a apparemment scrappé son corps avec le ballet, ainsi qu’une chemise blanche pour me protéger du soleil. J’ai pris le métro jusqu’à la station Place d’Armes, dont les alentours sont en construction, surprise, et à la sortie près du Chinatown des murs temporaires sont erigés afin de diriger les marcheurs vers le Vieux, plus précisément pour traverser St-Antoine et atterrir en plein devant la basilique Notre-Dame, qui ne m’a jamais semblé d’un grand intérêt puisque toujours en plein milieu d’un constant chaos de construction. En fait, en marchant vers le bord de l’eau, je me suis rendu compte à quel point, quand je travaillais dans le Vieux, je me dirigeais droit vers le bureau sans regarder les environs. Il faut dire que mon paysage intérieur était assez tourmenté, oui, il me demandait ma foi toute mon attention, j’ai ainsi manqué la majorité de l’action autour de moi, quoique, il ne faut pas oublier qu’au début des années 2010, le Vieux était vraiment différent. Il n’y avait aucun café sauf le Van Houtte sur McGill, il n’y avait rien d’intéressant sauf peut-être la boutique de Denis Gagnon sur St-Paul, à l’époque même SSENSE n’existait pas encore et le e-commerce en général commençait à peine, tout ça pour dire que dans l’espace physique du Vieux, c’était un désert, oui très beau, oui très historique, mais somme toute assez déprimant. Certes, je rêvais d’y habiter depuis que j’avais obsédé pendant trois ans sur la télésérie Diva et plus particulièrement sur le loft de Stella qui, j’y reviendrai, est situé sur St-Pierre au coin de Marguerite d’Youville, en fait, la porte de l’agence elle-même était sur Marguerite, j’y reviendrai aussi. Moi, la porte de mon agence, elle était située sur De la Commune et je n’en dirai pas trop, je n’en dirai pas plus, puisque cette époque fait l’objet de mon prochain livre, justement, alors ceci n’est qu’une longue tangente nostalgique à propos de cette promenade au cœur de mes souvenirs, c’était ce que j’avais prévu: revisiter brièvement mon passé, pour ensuite aller m’installer dans un des nombreux nouveaux cafés du quartier et pratiquer cette performance en continu qu’est l’écriture.
Rendue sur De la Commune, j’ai pris le temps d’observer les murs de pierre, les jardins bordés de fleurs, clôturés bien sûr, privés bien sûr, et j’ai pensé à quand j’étais de l’autre côté, prenant des polaroids devant la fontaine avant de boire des bières sur le toit en fin de soirée, une vue donnant sur le pont Jacques-Cartier, Travis Tadeo qui me dit que la couture du col de ma camisole est mal faite et moi qui trouve ça important, de bien coudre mes vêtements, d’avoir des finitions propres et efficaces.
Alors, j’ai pris une photo de moi devant l’ancien bureau, ma tête qui cache l’enseigne qui annonce les locataires actuels des lieux, qui ne sont pas mes anciens employeurs, eux ayant déménagé dans un autre quartier mondain, sur la chic rue Docteur Penfield, j’y reviendrai, ou pas, quand j’irai performer l’écriture dans ce quartier. Je me demande si les nouveaux locataires ont démoli le carrelage de l’entrée où le nom de l’agence, formé de petits carrés bleus, trônait fièrement, je veux dire, probablement qu’ils ont dû le faire, question de fierté, question d’identité.
Ensuite, je me suis dirigée vers l’eau, derrière le Bota-Bota, où la température semblait baisser de quelques degrés, ou peut-être que mon cerveau de citadine me joue des tours dès que je vois un minimum de végétation ombragée, j’ai pu me reposer un peu au pied des écluses, mais bien vite la hauteur presque épeurante des silos grugés par le temps m’a fait frissonner et je suis repartie vers la ville, remontant par St-Pierre, précisément où Diva a été tourné. Salut Marcelle, salut Victor, salut Caroline et salut Ariane. Salut Stella dans ton loft à l’immense fenêtre en demi-cercle, loft qui ne m’appartiendra jamais, quartier dans lequel, finalement, je n’habiterai jamais, ce sera un rêve pour une autre vie ou une autre Marie et c’est très bien comme ça, j’ai assez donné à la ville en général et à Montréal en particulier, mais passons. Passons pour continuer jusqu’à la rue St-Jacques pour entrer dans l’ancienne Banque Royale où se trouve maintenant ce rêve yupster, oui, pour sortir un mot d’une autre époque, qu’est le Crew Collective Café. Bien sûr que j’ai été éblouie par les dorures, les délicats détails qui ornent le marbre et autres matériaux onéreux, bien sûr que mon thé glacé m’a coûté 10$ et que je me suis installée entre deux personnes rivées sur leur laptop en ayant l’impression que derrière cette façade de travail, ils m’épiaient, me jugeaient certainement, moi qui n’en a maintenant, dieu merci, rien à cirer de me faire détailler de la sorte, mon visage luisant sous mes Ray-Ban et ma casquette du Ardène, fière de mon pèlerinage, de cette plongée à chaud dans les souvenirs, remplie d’images du passé et de sensations accumulées au fil de cette errance, j’ai écrit.





Je suis curieuse là pour la série Diva sais tu si elle est dispo quelque part en ligne?